Exmouth, toujours...

L'accès à internet gratuit c'est fini, Anaick a perdu son job à l'internet café et le réseau que l'on captait dans la rue est désormais payant... Je dois donc me résoudre à limiter mes connexions (et les photos que je publie) puisque chaque minute me coute bonbon... Voici mon article, écrit par petits bouts.

Une etoile de mer dans une flaque
Exmouth un week-end d'hiver couvert, c'est toute une ambiance. On pense partir à l'autre bout du monde et que tout sera différent, comme si on pénétrait dans une autre dimension, mais c'est faux. Exmouth un week-end d'hiver couvert ressemble à Nancy un week-end d'hiver couvert, à la différence prés qu'à Exmouth, même en hiver sous un ciel voilé, je suis en t-shirt et je mange une glace.
Ceci dit, je mens un peu. Ça n'a rien à voir avec Nancy ou Tours ou Paris, ou autre ville où j'ai habité. Il y a juste la même lassitude dans l'air, le même ennui d'un samedi après-midi où il fait moche et où il n'y a rien à faire.
Alors je me pose dans un parc à l'abri des gouttes de pluie qui percent par moments le ciel et je fais ce que je pense savoir le mieux faire: écouter, observer, et écrire. Et ça fait du bien parfois de se retrouver seule à nouveau et d'avoir l'impression que le monde vous appartient.
Exmouth un week-end d'hiver couvert, c'est relativement calme. Bien sûr en face de moi il y a le « coeur » du patelin qui palpite de tous ces « bip », le IGA, ou plutôt tout ce conglomérat de boutiques où tout le monde se retrouve tous les jours de la semaine: IGA et son double IGA Express, la boulangerie Brumby's, la NewAgency où l'on trouve jouets, magasines, souvenirs, la pharmacie, Celarbrations, le magasin d'alcool. Autour de cet ilot de civilisation les voitures bourdonnent comme un essaim, se croisent, tournent, repartent, dans un doux roucoulement de moteurs de 4x4.
Un petit vent tiède vient me faire frissonner, et les perroquets sur les fils électriques poussent leur cri strident. Par moments, et c'est ça je crois qui donne sa touche finale et totalement surréaliste à Exmouth-un-week-end-d'hiver-couvert, on entend une légère mélodie lancinante s'élever au-dessus des rues. Une mélodie connue, juste des notes au piano un peu synthétiques, la mélodie pré-enregistrée dans les pianos pour enfants (en tout cas celui que j'avais) Cette mélodie s'enchaine en boucle et tout semble figé quand elle retentit, hypnotisé, comme dans un mauvais film d'horreur. L'explication de cela fait encore plus froid dans le dos (façon de dire): il s'agit de la camionnette du marchant de glace. Une camionnette arc-en-ciel qui sillonne inlassablement les rues d'Exmouth tous les week-ends, à 10 à l'heure, attirant les gens grâce à cette atroce musique. Niveau scénario de film d'horreur, je trouve que l'on ne fait pas mieux. Le vendeur aurait une tête de clown ça serait parfait (je devrais aller vérifier un jour) Surtout qu'il doit certainement être fou (ou sourd) pour supporter cette mélodie pendant des heures...


Ma petite routine australienne continue tant bien que mal, parfois avec un peu de lassitude. Côtoyer sans cesse du monde me rend un peu misanthrope. Les gens m'agacent, et je souhaiterais parfois être capable de partir seule pendant des semaines, ne pas avoir d'efforts relationnels à faire, juste faire ce que je veux quand je le veux et savourer le silence et la solitude... (et regretter la compagnie des autres...)
L'agitation de la maison me met parfois les nerfs en pelote. Tous les soirs, l'alcool et la fumée envahissent l'espace, et même si je ne crache pas sur une bière bien fraiche de temps en temps après le travail, être déchiré en continu n'est certainement pas mon truc. Il y a un coté clown triste dans ces soirées répétitives où l'on fait semblant de rire à gorge déployée, semblant d'avoir des choses à dire et semblant d'être bien dans sa vie.
Julien et moi sommes en décalage à vouloir dormir tôt pour être en forme au boulot le lendemain, à oser demander de baisser le son de la chaine hifi, à vouloir économiser l'argent que l'on gagne. Nous n'avons pas les mêmes buts qu'eux, et, à la limite, tant pis, c'est juste exaspérant que ça soit à nous de faire les efforts.

Ces désagréments nous rendent nerveux, nous qui le sommes déjà naturellement, et nous avons du mal par moments à garder notre unicité, alors que c'est au contraire ce qui devrait être notre force.
Au boulot, quand je suis fatiguée comme ces derniers temps, je bouillonne à la moindre contrariété: les gens qui ne comprennent pas mon accent, les articles qui ne se scannent pas, les nouveaux collègues qui me piquent du temps de travail, mes propres erreurs, le fait qu'il n'y ai plus de biscuits dans la boite à biscuits de la salle de repos (le pire!).
Julien est au même régime, la lune de miel avec ses deux patronnes est finie, il a sans cesse l'impression qu'on ne reconnaît pas son travail, et il se met une pression incroyable.



Heureusement tout de même, tout n'est pas si sombre (ouf!).
Notre boss est la meilleure boss du monde, qui veut constamment et sincèrement le bonheur de ses employés, et après les grosses journées nous avons droit à des petits cadeaux, une glace gratuite ou une plaque de chocolat (du Milka!).
J'ai aussi quelques collègues sympas, même si mes échanges avec eux sont limités, et des clients marrants ou remarquables, ça me détend un peu:
_un mec qui ressemble à Chuck Norris, avec toujours des lunettes noirs (pour passer incognito),
_un autre qui ressemble à Justin Timberlake avec le même bonnet (oui oui même à Exmouth il y a des gens qui mettent des bonnets),
_une dame qui ressemble à une poule et qui achète du grain...
_un mec qui a des tatouages sur la figure qu'on dirait que c'est des copains bourrés qui lui ont fait un soir de bringue,
_une fille super vulgaire (et super limitée aussi je pense) très grosse, avec des seins qui débordent de t-shirts tous plus improbables les uns des autres (genre transparents roses en grillage à paillettes (tout ça en même temps)) et avec la figure entièrement recouverte de boutons (d'où les seins qui débordent je pense, c'est pour détourner l'attention),
_un mec avec un sourire très très charmant (ça suffit pour me détendre ça)
_un couple de vieux toujours en train de faire des blagues moitié de cul,
_une dame qui veut toujours retirer 200 dollars juste au moment où je n'ai plus de sous dans ma caisse.
Il y a aussi une vieille sorcière, une femme habillée de noir au visage tout ridé, qui perd la boule et agresse les gens, et un jour c'est tombé sur moi (bon ça ça ne m'a pas du tout détendu mais bon).
Il y aussi tous les gamins, bizarrement on pourrait penser que ça stresse mais en fait non, c'est leurs parents qui sont stressés, moi ils me font marrer à faire tomber des trucs par terre en « aidant » leurs parents, ou à grignoter des trucs bizarres (des oreilles de porcs par exemple).

Nous avons aussi deux nouveaux collègues français, en remplacement de Julien et Claire qui sont rentrés en France pour un mariage. Kevin et Célia, qui sont des geeks (donc forcément sympas) avec qui on cause Donjon de Naheulbeuk, pâtes en forme de dinosaures et connerie humaine. Et Célia a même fait des études de doc, ça rapproche.
Comme je leur ai exposé le métier de mes parents en long en large et en travers, ils m'ont parlé d'un campement aborigène au South Australia où ils se sont rendus et où ils ont eu une démonstration de vannerie traditionnelle. Peut-être que j'essaierais d'y aller quand j'aurais fini mon tour de l'Australie.

Julien et moi nous sommes également lancés dans une nouvelle activité, attention, ça déménage...
Les BRACELETS BRESILIENS.
Oui oui, vous avez bien lu. J'ai l'impression de retourner dans mon adolescence quand je m'enfermais dans ma chambre à tresser alors que les autres de mon age prenaient leur première cuite. Maintenant ils ont fini caissier(e)s à super U d'abord... Hum. (ouais mais moi c'est en Australie ça compte pas)
Bref donc à la base Julien veut qu'on les vende, il pense que l'on peut faire fortune dans le bracelet brésilien. Il n'en est qu'à son premier pour l'instant, et pour un premier il ressemble à peu prés à quelque chose. Moi je ne suis pas sûre que l'on fera fortune avec, mais au moins on aura les bras décorés...


Un petit echantillon de nos creations jusqu'a maintenant


Mais pour parler de quelque chose d'intéressant, nous avons ENFIN été faire du snorkelling, du vrai je veux dire, dans le parc et tout. Et ça n'a pas été sans mal.
Le 16 Juillet, Guy emmène Léo et Hélène, copine d'Anaick fraichement débarquée, en balade, me laissant sur le carreau (raison officielle: « ah bah je croyais que tu bossais et j'ai que deux places dans ma bagnole »)
Qu'à cela ne tienne, le lendemain on décide d'y aller par nous-même avec Julien, qui a congé aussi ce jour-là. MAIS, gentils comme nous sommes, nous acceptons de faire le taxi pour Hélène et Anaick qui vont pêcher avec Léo (qui part avec Guy, vous suivez?)
On part à midi (à la base on voulait y être pour 10h)...
Mais enfin nous y sommes, au Cape Range National Park, et il fait un temps superbe. On snorkel sur deux des meilleurs sites, Oyster Stacks et Turquoise Bay. Et c'est splendide. On voit deux requins chacun (dont un long moucheté brun pour Julien et un qui ressemble à un requin blanc pour moi, mais ça fait même pas peur), des raies, un poulpe qui dort, et toujours pleins de poissons magnifiques et des forêts de coraux.


Super classe avec la combi "emprunté" a l'ancien boulot d'Annaick
 
On est quand même un peu frustrés, toujours pas de tortues, ni de baleines qui sautent à l'horizon (c'est la période, tout le monde en a vu, sauf nous)
Deux jours plus tard, Laura, une tourangelle avec qui j'avais fait l'éclaircissage des pommes il y a bien 4 ans de ça, passe par Exmouth avec ses compagnons de route (une hollandaise, un italien, un français) On les invite à passer la soirée chez nous. Pour une fois c'est NOTRE soirée, on se fait même des pancakes, même si moi j'avais choppé une mini-insolation dans la journée (tout le monde boit et moi je vomis, la loose)
Le lendemain, on décide d'aller au parc national tous ensemble. La journée était encore plus splendide. Mais à Turquoise Bay, on se prend encore un coup du sort dans la tronche (ça fait mal!): on oublie les clés de la voiture... dans la voiture, qui est fermée. On est en maillots de bain, avec notre matos de snorkelling (au moins!) à regarder par les fenêtres de la voiture sans pouvoir l'ouvrir. Et pendant que l'on cherche désespérément un moyen d'ouvrir cette huitre de ferraille (oui on a même tenté le coup de l'épingle à cheveux dans la serrure), les autres nagent avec une tortue! On est dégoutés, du coup on va à l'endroit où ils se sont baignés, et là un français qu'ils ont rencontrés avant réussit à nous repérer une tortue qui sort la tête de l'eau et on fonce vers elle. Enfin, notre première tortue! Tout n'est pas si mal! Et pour la voiture, on rentre avec Laura et ses potes, et le lendemain Julien retourne en stop ramener la voiture avec les doubles de nos clés.


 

Le dimanche suivant, on va à une plage un peu avant le parc, avec Léo, Anaick et Hélène. L'océan est agité, les vagues viennent s'écraser dans de grandes gerbes d'écumes sur les rochers qui bordent le rivage. Moi ça ne me dit rien qui vaille, je préfère rester sur le bord à me balader et prendre des photos. Les autres vont snorkeller, mais se font attaquer par des méduses, du coup ils sont vite de retour sur la terre ferme. Et avant de partir, on entraperçoit un dugong qui vient respirer à la surface. C'est juste une tache beige au milieu des vagues, mais quand même, c'est un dugong!
En repartant vers Exmouth, on s'arrête prés d'une de ces immenses fourmilières/termitières (personne n'a encore réussi à nous dire de quelle bestiole elles sont l'habitat)


 

Et le dimanche d'encore après (le 31 juillet), on va se balader avec Kevin et Célia dans le canyon au sud d'Exmouth, bout du parc national mais non payant. C'est beau, vrai paysage d'Australie sec et rouge, avec des touffes de buissons gris-vert et les fleurs qui commencent à renaitre un peu partout. Sur la route en y allant, on croise un emu, ce qui n'a plus rien d'exceptionnel ici, sauf que celui-ci... a des petits! Des petits poussins emus qui courent derrière leur mère et dont on ne voit que les petites têtes dépasser du bush. On passe quelques minutes à les poursuivre et tenter de les photographier.


Oui je sais on voit que la tete de la mere, z'avez qu'a imaginer!
 
Dans le canyon on grimpe un peu pour profiter de la vue magnifique, et tandis que nous, les filles, nous restons à papoter de voyage et de fourmis, les pieds dans le vide au dessus de la gorge, les garçons cherchent à monter encore plus haut par des chemins sauvages et escarpés.



Julien, Kevin, Celia
Le canyon
Les fleurs rouges super connues ici
En rentrant, on passe par la marina d'Exmouth, où parait-il il y a parfois des dauphins, on se balade dans ce quartier en construction pour nouveaux riches, où pour l'instant il n'y a que des rues entre des terre-pleins de terre et des canaux de mer, quelques grandes baraques en travaux, et un complexe hôtelier avec vue sur les yachts et les voiliers du port.

Les maitres du monde
Pour finir, jeudi 4 Août, je vois mes premières baleines! Nous allons, Anaick et moi, avec Abel un australien, au Lighthouse (le phare, un lieu qui surplombe l'océan aux portes du National Park) admirer le coucher du soleil. C'est splendide, et on me montre les baleines, dans les jumelles c'est mieux, parce que finalement ce ne sont que de toutes petites taches noires au milieu de l'immensité de l'océan, avec parfois le jet d'eau qu'elles recrachent. Mais c'est quand même incroyable d'être témoin de ça, et on reste jusqu'à ce que la nuit tombe, à s'extasier sur la beauté du spectacle que l'on a sous les yeux, assis à l'arrière du 4x4 d'Abel avec des bières et des Pringles (vrai soirée australienne!)

 

Pour le suite du programme, on reste surement à Exmouth encore 4 ou 6 semaines, avant de continuer le voyage vers le Nord...
Bisous à tous, en particulier à Maman qui a décidé de ne pas garder les ailes qui lui poussaient dans le dos!

Commentaires

  1. je suis ému par l'emu, mais dit c'est quoi un emu? Quand a gagner de l'argent avec des bracelets brésiliens, appelle les bracelets australiens ! c'est bon pour le marketing et cela flatera leurs égo !bon courage pour la suite.PLEINS DE GROS BISOUS (info : y am retourned in EST in september) V.T

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  2. Oui, bon j'y vais ... !
    bisous
    A+

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  3. j'aime bien la description des gens que tu vois à la caisse ! en france ou en Australie c'est pareil !(http://www.peopleofwalmart.com/ )
    et l’espèce de canyon trop canon aussi on dirait dans le bon la brute et le truand !
    bon allé bisous gros laideron

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  4. encore une jolie page d'écriture tout en émotions, bravo, continue!! mélina

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  5. Merci, vous nous avez évité un séjour inconfortable à Esperance… Et vous avez de sacrés talents de plume ! Bravo, bonne route et peut-être à bientôt…
    Charly, Delphine & Fleur

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  6. ça y est, je suis de retour à la maison, tout va bien, l'épaule rabottée, le tendon racroché, il n'y a plus qu'a attendre que tout se cosolide !
    le morale est bon, j'ai encore des films à regarder, et les blogs des jeunes voyageurs me font rêver ! ...
    gros bisous

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