Partie 5: où l'on a cherché les gibbons
Le retour à la « civilisation »
est brutal. A peine sortis du speed-boat, à Pakbarra, on est
assaillis par un gars qui veut nous vendre un trajet en taxi. Les
scooters pétaradent, les voitures vrombissent dans tous les sens, on
retrouve cette agitation bruyante, et cette chaleur lourde qui se
dégage du béton. On mange dans une sorte de cantine, puis on
retourne à l'embarcadère pour trouver un moyen de rallier notre
prochaine étape: Khao Sok National Park. C'est un défi, car nous
sommes descendus bien au Sud de la Thaïlande, et qu'il nous faut
remonter au Nord de Phuket, vers Surat Thani, pour aller à Khao Sok.
Khao Sok, la jungle, les bambous, les macaques... |
Et bien sûr, on veut faire ça en un jour, pas de temps à perdre.
Heureusement, comme je l'ai déjà dit, tout est possible en Thaïlande! On est abordés par
deux femmes, elles ont la réponse à ce que l'on cherche, et on
achète donc nos billets pour un trajet en mini-van de Pakbarra à
Surat Thani, en passant par Trang, pour 550 Bath par personne.
On
part à 11h30, on arrive à Trang vers 13h30 où l'on change de
mini-van. Le suivant nous amène à Surat Thani en 3h, mais on passe
un voyage très éprouvant. Il fait chaud, la clim n'a pas l'air de
bien fonctionner, on est au fond donc sur la roue (impossible de
détendre les jambes), et comme d'habitude, la moindre place est
rentabilisée, on est serrés comme des sardines avec les sacs en tas
dans l'allée. Et on ne s'arrête pas pour faire une pause pipi!
Dans le mini-van |
On
arrive à Surat Thani dans un état second, un mec se jette sur nous
pour nous demander où on va, (on veut d'abord pisser et se détendre)
il ne nous lache pas d'une semelle, on lui achète un billet pour
Khao Sok (250 Bath) L'endroit est effroyable, sorte de gare routière
entourée de boutiques et d'agences, tout est gris, bruyant, et il y
a des barreaux aux fenêtres (on se demande même si ce n'est pas une
prison) Les gens sont excités, un petit tour à Koh Bulon leur
ferait du bien!
Le mini-van arrive, il est rempli
d'allemandes, qui sont d'ailleurs tellement sûres que nous sommes de
la même nationalité qu'elles commencent par s'adresser à nous en
allemand. Elles sont jeunes (les jeunes allemands voyagent pas mal
apparemment), elles viennent de Koh Phangan (l'île connue pour la
fête) Elles ont déjà réservé leur logement, et je m'inquiète un
peu. En fait Khao Sok est la seule destination sur laquelle nous
n'avons pas réfléchi, car pour nous il était évident que nous
devions y aller. Il s'agit d'un parc national de 700 km2, qui se
compose d'un grand lac artificiel et de jungle. Nous avons lu sur
Internet que c'est l'une des forêts tropicales humides les plus
vieilles au monde, une forêt primaire, avec des animaux incroyables,
des petits léopards, des gibbons, des tapirs, etc, et la plus grosse
fleur du monde, la Raflesia, qui mesure jusqu'à 1 mètre de diamètre
et sent la viande pourrie... Comme tous les parcs nationaux,
normalement, on peut y dormir, dans des bungalows appartenant à
l'Etat ou en tente.
On arrive de nuit à Khao Sok. Comme
nous n'avons pas réservé, le chauffeur du mini-van nous débarque
dans la première guesthouse où l'on s'arrête. On ne comprend rien.
On pensait arriver au milieu de la jungle et on se retrouve dans une
rue remplie d'hôtels, de restos, de bars et d'agences d'excursions.
On se retrouve dans un coin à backpackers, juste ce que l'on fuit.
Les bungalows ne sont pas chers, on en prend un à 700 Bath parce
qu'il n'y en a plus à 400, et on a l'eau chaude (chose luxueuse en
Thaïlande, en Asie en général, et plutôt inutile avec la chaleur
qu'il fait, parfois l'eau froide est même tiède après avoir
chauffée dans la citerne)
Notre "Jungle Hut" |
On va manger une soupe aux « herbes
de Khao Sok », complètement insipide, et on se dit que demain,
on tirera les choses au clair.
Le
lendemain on découvre le paysage
autour de nous. Il y a des falaises au loin, la forêt, une rivière. On
prend un petit déj (shake de mangue et pancake) puis on s'aventure le
long de la rue jusqu'à l'entrée du parc.
L'entrée des
parcs thaïlandais est payante: 300 Bath pour un étranger (9€), 40
Bath pour un thaï. On demande des infos au gardien sur la
possibilités de dormir dans le parc, il nous dit que c'est possible
mais qu'il faut aller au bureau d'information qui se situe... dans le
parc. On paye donc l'entrée (valable une journée), on se rend au
« Visitor center ».
Très beau bâtiment flambant neuf,
très occidental, avec à l'intérieur des maquettes du parc et des
photos des animaux. On fait part de notre requête à une dame, qui
nous apprend que les seuls bungalows disponibles sont ceux situés
sur le lac (il y a des photos partout de ces fameux bungalows), et
qu'il n'y a pas de tente à louer (si on avait eu notre propre tente
c'était bon). Les bungalows du lac se situent à 60 km, il faut se
débrouiller pour y aller et revenir, se joindre à une excursion. On
réfléchit mais c'est trop juste pour nous, il ne nous reste que
deux nuits. Nous pensions qu'il y avait des bungalows dans le
quartier des rangers, à l'entrée du parc. En fait on commence à
comprendre que l'on s'est trompé sur Khao Sok. Persuadés que cette
destination nous plairait, nous n'avons pas cherché plus d'infos que
ça, alors que pour les îles, nous nous sommes méfiés et nous
avons fait des bons choix.
On
décide tout de même de changer
d'hôtel, et l'on prend un bungalow au Tree top huts, à l'entrée du
parc, pour 400Baths la nuit. Le restaurant donne dans le parc et le
visitor center, ce qui est assez étrange et nous sommes tentés
d'aller dans le parc sans payer l'entrée (puisqu'on y est déjà) Parce
que l'intérêt de camper directement dans les parcs, outre le fait d'être
au coeur de la nature, est de ne payer l'entrée qu'une seule fois!
Notre nouveau logement |
Notre chambre est celle au 1er étage (avec la terrasse) |
La terrasse! |
Le Visitor Center du parc, au fond, depuis le resto de notre hôtel |
Tous les deux mètres, dans la rue
précédant le parc, il y a des agences d'excursions qui affichent
d'énormes panneaux avec des photos pour attirer le touriste. Ils
proposent tous la même chose: trek dans la jungle, balade à dos
d'éléphant, canoé et grosse bouée sur la rivière, croisière sur
le lac et nuit dans les bungalows... Pour assez cher (environ 50€
pour les premiers prix) Ce n'est pas du tout ce que l'on souhaite
faire. Nous nous voulons juste nous promener dans la jungle, voir des
gros arbres et des animaux...
Deux chemins partent de l'entrée du
parc. Après avoir posé nos sacs, mangé et fait préparer quelques
sandwichs à emporter, on se lance sur le premier. On croise un
anglophone qui nous dit que le chemin est barré. Bon, on y va quand
même, et on constate que le chemin « temporairement barré »
doit l'être depuis bien longtemps. Là où des arbres se sont
abattus sur le passage ou que le chemin s'est effondré, un détour a
été creusé à force des piétinements des gens qui, comme nous,
ont voulu quand même aller voir cette cascade annoncée (aucun
avertissement à l'entrée que le chemin est barré, on ne le
constate qu'après 2 km de marche)
Je déteste très vite ce chemin où
l'on ne fait que monter et descendre, enjamber des racines, des
pierres, traverser des rivières, ce genre de choses qui
s'apparentent plus à du crapahutage qu'à de la randonnée, qui rend
impossible la prise d'un rythme de marche, et qui fatigue énormément
(et il fait,bien sûr, très chaud) Antho est plus dans son élément,
m'aide à passer les obstacles et on s'asperge d'eau à chaque fois
que l'on traverse la rivière.
Bon, je me dis que c'est l'aventure,
et qu'il fallait s'y attendre, on a pris un chemin barré et non
entretenu!
Antho dans son élément! |
La forêt est assez oppressante, cependant on ne rencontre pas vraiment le côté "forêt primaire" auquel on s'attendait.
On tombe sur un seul arbre vraiment impressionnant.
De vrais murs de bois! |
Pour le coup cet arbre rattrape tous les autres! |
On traverse des
bosquets de bambous où ceux qui sont déracinés se mélangent en
équilibre comme des mikados géants.
Au niveau des animaux, quelques
papillons, des lézards, un joli petit serpent rouge et vert... Et
des sangsues. On ne les voit pas, mais on se retrouve tous les deux
avec un petit trou au niveau de la cheville, qui saigne. J'ai beau le
nettoyer et le compresser, le mien ne s'arrête pas de couler. Je
coince un mouchoir en papier dans ma chaussette pour continuer la
rando. Le soir, je serais toujours en train de saigner. En fait, les
sangsues sécrètent un anti-coagulant, qui peuvent nous faire
saigner des heures...beurk.
Un petit lézard volant! |
L'animal le plus étrange que nous avons croisé... |
On cherche dans les arbres la star du
coin: le gibbon. On tend nos oreilles, on est à l'affût du moindre
bruit dans les feuilles, du moindre cri. On retient nos souffles
quand on entend de l'agitation dans les arbres un peu plus loin. Nos
yeux fouillent la forêt, mais on ne voit que du vert, le feuillage
est épais. On entend des cris, ce sont des gibbons, mais sont-ils à
côté? Ou plus loin? Il y a des sortes de ronflements, des
grognements, mais on ne sait pas trop, il y a l'orage au loin aussi
qui gronde. Moment très intense où l'on s'attend à voir surgir un
éléphant, où l'on se sent tout petits, étrangers, seuls au milieu
de ce monde exubérant et sauvage.
La balade, qui devait faire 4 km de
long, n'en finit pas. Je n'en peux plus, et il faut penser à la
nuit, l'idée de marcher dans la jungle dans le noir n'est pas ce
qu'il y a de plus rassurant! Alors nous rebroussons chemin, sans être
parvenu au bout. J'ai l'impression que l'on a marché 10 bornes. Au
retour, on entend encore du bruit dans les arbres, Antho aperçoit
une silhouette, mais sans pouvoir déterminer s'il s'agit des fameux
gibbons ou de simples macaques.
A 1km du point d'arrivée on fait un
détour par ce qui est annoncé comme un « point de vue ».
En fait on ne voit rien, et nous sommes frustrés de ne pas avoir un
panorama sur la forêt, un endroit où l'on pourrait embrasser du
regard l'immensité et la majesté de ce parc.
On rentre juste avant que l'orage
n'éclate et nous regardons tomber la pluie battante depuis notre
terrasse.
Le jardin, depuis la terrasse, après la pluie. |
On prend une douche, on va manger, puis on se paye un
massage de pieds: nous en avons besoin! C'est particulier de se faire
tripoter les pieds, parfois c'est désagréable (entre les orteils,
brrr) ou presque douloureux, mais au final ça fait du bien de se
faire chouchouter, et les masseuses sont expertes. Elles finissent
par un petit massage d'épaules et un thé, et moi la mienne me
défait les cheveux, les brosse avec ses doigts, et se met à me
coiffer, sous le regard d'Antho qui sourit (moi je ne sais pas ce
qu'elle me fait) Quand elle finit, elle me regarde et me dit:
« beautiful! » Ce moment m'a touché, elle n'était pas
obligé! Je me sens « beautiful » après avec ma tresse.
Le lendemain, on paye à nouveau
l'entrée, et on tente l'autre chemin. Une dame au checkpoint
nous fait remplir un cahier avec le nom de notre hôtel, si jamais on
n'est pas repassé le soir ils les appelleront, nous dit-elle. Pour
l'autre chemin où l'on a failli se faire dévorer par des sangsues,
personne n'était là pour s'inquiéter!
Le chemin commence par une piste bien
large, une vraie autoroute. Il y a quelques points d'eau à aller
voir, bien utiles pour se rafraichir.
En chemin on aperçoit des bungalows en contrebas, impossible de
savoir si c'est une guesthouse (mais dans ce cas-là les gens peuvent
aller directement dans le parc sans payer) ou les fameux bungalows du
parc que l'on recherchait. Ça nous énerve.
Au bout de 2 kilomètres
on arrive dans une large clairière avec un bâtiment, des toilettes,
une aire de camping. On suit le chemin et là un panneau se dresse
face à nous « interdiction d'aller au-delà sans un guide,
amende de 1000 Bath » Qu'est-ce que c'est que cette histoire?
On paye l'entrée d'un parc, plutôt chère, il n'y a que deux
chemins qui s'offrent à nous, l'un n'est plus praticable et pour
l'autre il faudrait payer un guide?! Et tout ça bien sûr, on ne
l'apprend qu'après avoir payé l'entrée, et une fois les 2 premiers
kilomètres parcourus. On a ignoré cet avertissement, comme la
plupart des gens que l'on a croisé. Et pas besoin de guide bien sûr,
le chemin est fléché. Par contre, il est dans le même état que
celui qui est à l'abandon! On passe son temps à escalader des
racines, des roches, parfois on doit s'accrocher à des lianes pour
grimper, ça peut être rigolo au premier abord mais la fatigue et la
chaleur aidant j'en ai vite ras-le-bol! On marche quand même 15
kilomètres, et ça paraît plus facile que les 8 km de la veille. Je
suis peut-être devenue une vraie aventurière malgré moi
finalement!
Il y a régulièrement des
« waterfalls » à aller voir. On ne va pas à toutes,
mais celle que l'on va voir, ce n'est pas une cascade. Plutôt des
rapides. Antho saute dedans, j'hésite un peu mais il finit par me
convaincre et c'est chouette, on reste un long moment dans les
remous à se faire masser le dos et emporter par le courant, sous une pluie chaude d'orage.
Antho qui tente de remonter le courant tel un saumon sauvage! |
Moi en pleine thalasso |
Plus
loin on se baigne dans une « piscine » naturelle entre
les roches, et des papillons viennent « boire » sur mon
t-shirt, ils ont l'air totalement accro et j'ai peur de les blesser
en me rhabillant.
Au retour il n'y a plus que nous sur le
chemin, et au checkpoint, plus personne pour « voir si nous
sommes bien rentrés » et aucun appel à notre guesthouse bien
entendu!
Comme vous pouvez le constater, nous sommes assez déçus par Khao Sok. Nous
avons bien croisé quelques beaux arbres, des macaques (comme
partout), des papillons...
Toujours sympa la rencontre avec des macaques! |
L'ambiance de la jungle est fascinante: la végétation luxuriante, le
chant des oiseaux et des grillons (qui font un bruit de perceuse
assourdissant), et ça sent même la crotte d'éléphant par endroits. Mais
en comparaison, la balade vers la cascade et la grotte à Koh Lanta
est aussi magique, et gratuite.
Une fleur étrange |
On se sent arnaqués de
payer une entrée et que les chemins soient dans un tel état,
presque dangereux. L'argent récolté semble plutôt servir à
construire un beau Visitor Center moderne et vide et à payer des
employés à ratisser les feuilles devant. Et surtout, on dirait que
personne n'a très envie de rendre les balades libres belles et
sympas, car alors les gens ne paierait plus d'excursions. Et tout
tourne autour de ça dans ce parc...
Heureusement il y a quand même le cri
des gibbons qui résonnent au loin...
Le soir on va boire un cocktail dans
un bar reggae, pour notre dernière vraie soirée... Le rhum, le jus
de mangue fraiche et les ships de crevette nous font oublier que l'on
entend « No Woman No cry » pour la 150ème fois!
On
achète également, dans la rue, un poisson séché et aplati (le gars le
passe dans un petit rouleau pour ça). ça n'a pas l'air très appétissant
comme ça mais c'est délicieux en guise d'apéro!
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