Des moutons et des hommes

Jeudi 23 Décembre 22h07

Portrait de mouton

Je viens de vivre deux journées particulièrement dures. 

Shearing. La tonte des moutons. Très intéressant cela va de soi, la vraie expérience de vie de ferme à l'australienne. 

Dans le shed

Un vieux pressoir a laine

whool

Là où ça a été dur pour moi, c'est que je suis très fatiguée physiquement, affaiblie même, par des courbatures multiples. Bah oui j'avais oublié ces affreuses courbatures que l'on a après une chevauchée, l'impression de marcher réellement comme un cow-boy, tous les muscles des cuisses endoloris, le bas du dos, les épaules, ajoutées aux autres courbatures données par le travail des moutons des jours d'avant sur mes pauvres muscles non-habitués à ces mouvements physiques (on dirait pas comme ça mais c'est hyper physique les moutons) 

Des moutons, partout des moutons!

Western

Et pas de repos, hier j'ai attaqué avec une journée de bien 9h de boulot, à balayer les déchets de laine toute la journée, entasser la laine dans les pressoirs, et j'ai fini par une nouvelle chevauchée que j'ai un peu moins savouré du fait de cette fatigue (j'essayais surtout de rester sur mon cheval, de maitriser ma position, et le cheval sentant que je n'étais pas en pleine forme, me rendait la tache un peu plus compliquée) 

A droite, Chloe, ma jument

Oui oui tout a gauche c'est moi!

Aujourd'hui était du coup d'autant plus dur, j'avais même du mal à marcher et à tenir debout longtemps (mais il le fallait, donc je le faisais)

Heureusement (pour moi) on a arrêté tôt cette aprem car apparemment la laine était humide. Je crois que sinon j'aurais été me coucher au milieu d'un champ de désespoir à attendre de me faire piétiner par le sheep mob (=le troupeau) en furie.

Moutons en attente d'etre tondus

Andrew et Jill

Le problème aussi de cette fatigue, c'est que je me sens plus fragile, en proie à l'abattement et au découragement, et plus seule que jamais. 

J'ai l'impression d'être juste spectatrice ici, les limites de mon anglais sont trop fortes, je suis incapable de prendre part aux discussions, aux délires, j'observe les gens parler et rire ensemble mais je ne comprend rien, et bien souvent je me dis que si je n'étais pas là ça serait pareil. Il faut dire aussi qu'ils parlent avec un accent à couper au couteau, et surement à la manière paysanne, en mangeant tous les mots, bref pour moi c'est juste une purée donc j'ai beaucoup de mal à saisir ne serais-ce que quelques mots. 

Du coup le fossé est important et, à mon grand désaroi, j'ai eu l'impression qu'il se creusait ces deux derniers jours. Andrew et Jill font quelques efforts bien sûr, pour m'expliquer les consignes, mais ils bossent dur, ne sont pas toujours là pour prendre le temps de me parler. 

Les filles c'est le pire, elles parlent vite à chaque fois et font des phrases avec des tonnes de mots, je me sens débile à devoir leur faire répéter, et je sens bien que ça les ennuie. Elles doivent en voir défiler des tas de wwoofers depuis leur enfance, et continuent leur vie malgré eux, et je pense que ça marche bien quand ces wwoofers sont capables de rentrer dans leurs discussions. Ce que je ne peux pas vu que bien souvent je ne sais même pas de quoi on parle (et je vous assure je fais des efforts)

Andrew le pere, Kristy la plus jeune des filles, un gars qu'etait la pour aider, Hannah la deuxieme fille.

Kristy qui fait l'andouille avec une peau de mouton, a droite Michelle l'ainee des filles.

Et personne ne me fait vraiment participer, personne ne prend le temps de m'expliquer les discussions, personne même ne me pose de questions ou ne me fait parler. Je comprend pleinement maintenant l'interet d'être plusieurs wwoofers. A la ferme des animaux au moins, à table nous étions d'un peu de partout et les discussions nous concernaient tous, et tous nous parlions et nous comprenions. Et même quand parfois Tony l'irlandais se lançait dans une grande discussion avec Sue et Ian, je pouvais échanger des coups d'oeil dubitatifs et quelques rires avec les spanish. J'avais beaucoup moins l'impression d'être une intrue.

Là du coup je ne me sens pas à ma place, pas moi-même, je ne peux pas me montrer comme je suis, je ne peux pas être rigolote et bavarde, je ne peux pas être à l'aise.

Tas de moutons

Lorsque je me suis retrouvée au milieu du shed hier, tout le monde s'affairait autour de moi, pendant un petit moment je me suis sentie comme un chien dans un jeu de quilles, ou comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, ou un meusien à Paris, ce genre de trucs quoi, à ne pas savoir quoi faire et à avoir l'impression de gêner plus qu'autre chose, chacun ayant sa tache et personne ne me disant quoi faire.

Alors j'ai fait comme les animaux font dans la nature (non je n'ai pas fait caca par terre) j'ai observé à mort pendant cet instant de flottement, et puis j'ai copié les gestes, au début je faisais un peu n'importe quoi, et à la longue j'ai commencé à comprendre, et à la fin je réussissais presque à m'imposer (bon je ne faisais que balayer les déchets de laine mais c'est super important comme boulot, il faut aller vite entre deux moutons pour dégager la place du monsieur qui tond)

Spike en plein boulot, a pousser les agneaux dans le camion (le truc bleu derriere) (ceux la serviront de repas pour Noel!)

Bon pour être un peu positive (parce que je ne veux pas inquiéter ma maman!) j'ai quand même aimé cette ambiance, le bruit des tondeuses et les bêlements des moutons, la laine qui vole, l'atmosphère du shed, l'odeur des animaux et de la laine, les gestes des tondeurs. Et niveau travail physique eux c'est autre chose. Toute la journée devoir choper un mouton, le trainer, le bloquer et l'empêcher de bouger, et toute la journée penché en deux, dans le bruit et la poussière, bah franchement je les ai admiré ces deux hommes (des vrais paysans aussie, je comprenais que dalle quand ils parlaient, même quand ils me disaient juste bonjour)

Unis dans les memes gestes...

Mon estime pour les moutons a remonte quand je vois ce qu'ils endurent...!

Moutons apres-tonte. Qu'est-ce qu'ils ont l'air ridicules!

Sinon y'a une bonne ambiance, apparemment, les gens rigolent, ça fait un peu vendanges (je regrette franchement de ne pas pouvoir y participer vraiment) Michelle une des filles de la ferme prépare à manger pour tout le monde, et olala c'est un délice! Des petites tartes et des petits gâteaux, enfin bon je m'en suis foutue plein le bide.

Kristy et son pere dans la laine

Scout, un mec qui aidait, et Andrew (et me demandez pas pourquoi ils rigolent!)

Pis sinon a défaut de communiquer avec les gens, je sympathise à fond avec les chiens. Et en 24 ans de vie c'est bien la première fois que j'apprécie vraiment un chien (Scout), que j'ai envie de lui faire des gratouilles et des calinous. Faut dire que cette chienne elle a une façon de venir et de juste poser sa tête contre ta jambe, on a l'impression qu'elle nous kiffe juste nous (alors qu'en fait elle fait ça avec tout le monde mais bon) 

Le matin j'ai le droit de jouer à la baballe avec Scout, Pip et Buzz (mais pas Spike il est méchaaaaaant, mais il a une classe folle quand il bosse avec les moutons) et j'aime bien, sauf que ces cons de chiens ont du mal à redonner la baballe quand ils la choppent. Du coup souvent je les laisse se la disputer entre eux en attendant qu'ils daignent enfin la reposer par terre que je puisse leur relancer.

Ballots de laine

Bref voilà, je pense (j'espère) que les jours qui viennent seront plus calmes, je suis franchement exténuée. Pis après-demain c'est Noël, j'espère que le blues ne va pas me choper. Va falloir que je trouve une recette de buche de Noël (et que je la réussisse!) amadouer les gens par la bouffe y'a que ça de vrai non?

"_Alors Tuco tu l'as..." "_Nan pas encore..."

Je commence à réfléchir au fait de partir un peu plus tôt de la ferme aussi, et passer 2-3 jours à Lorne, si je trouve un backpacker non-complet... Ville à 20 min d'ici, au bord de la Great Ocean Road, oui j'étais un peu venue ici pour visiter le coin aussi mais bon je crois que c'est mort avec tout le taf des moutons que c'est fastidieux tout ça. 
J'avoue je suis un peu frustrée par rapport à ça aussi, vivre dans une famille australienne, faire des trucs inhabituels comme rassembler des moutons à cheval ok c'est cool, mais je suis aussi en Australie pour voir du pays, me balader, découvrir, etc, comme j'ai pu le faire aux Grampians. 
Je crois que ça sera un critère dans mes prochains wwoofing, la possibilité de visiter les alentours.  

Je vous laisse la, vous me manquez beaucoup, passez un joyeux Noel, je vous embrasse...