Ubud

Et je continue mon circuit touristique. Car c'est de ça qu'il s'agit, un circuit touristique. J'ai beaucoup de mal à me dépêtrer de l'étiquette « touriste blanche à fort potentiel acheteur » qui me colle aux basques. Ici je ne sais pas comment faire autrement, et ça m'handicape de plus en plus, car ça ne me correspond pas du tout. 

Mon principal problème vient du transport. Il n'y a pas, ou peu, de transports en commun et personne pour me renseigner vraiment (question à « l'office du tourisme » de Ubud: mais il y a un retour pour ce bus? Réponse: aucune idée... Bien les renseignements!) Les deux seuls gros moyens de se bouger à Bali sont les taxis et les scooters. Les premiers vous harcèlent en continu et en veulent à votre porte-feuille, les seconds... sont certainement la meilleure façon de voir l'île, mais je n'ai jamais conduit un de ces machins de ma vie, et ce n'est pas ici que j'ai vraiment envie de me lancer. Leur façon de conduire est, comment dire... aléatoire. C'est un peu « foncez dans le tas », sans parler des flics qui arrêtent les touristes pour avoir des pots de vin, et la signalisation très limitée voir inexistante... Je me veux aventurière mais il y a des limites...

Du coup, me voilà à Ubud, deuxième gros lieu touristique de Bali, au centre de l'île. Un peu plus « authentique » que Kuta, on y croise nettement moins de jeunes australiens assoiffés de Bintang et de remous salés, et beaucoup plus de français dans la force de l'âge (des vieux quoi).


Au premier abord je pensais me sentir bien mieux à Ubud. En fait je « touche le fond » si j'ose dire. Bien sûr, c'est beau, c'est pittoresque, il y a des temples magnifiques en plein centre ville, les rues sont incroyablement charmantes avec leurs multiples guest-house ornées de minis temples qui donnent envie d'y pénétrer sans y être invité, le chant des coq derrière les murs des maisons, la forêt tropicale qui s'invite au détour d'une ruelle, les rizières en bordure de la ville, les multiples galeries d'art et les spectacles de danse tous les soirs. 

Centre de Ubud
Une cascade dans la rue...
La ruelle de mon homestay

Mais chaque pas que je fais est accompagné de ces questions récurentes: « You need a taxi? Motorbike? Massage? » Devant les restaurants (très nombreux): « You want a drink? » Devant les innombrables magasins de vêtements ou d'art: « Yes? Come to have a look! »
Étant seule, souvent les premiers, et les derniers, et la majorité des mots que je prononce dans une journée sont: « no thanks »

J'en viens à fuir les gens, me précipitant dans chaque ruelle qui semble déserte (même si c'est perdu d'avance), ou restant dans mon homestay à bouquiner, EN PAIX. Ubud est célèbre pour son marché d'artisanat (enfin artisanat... tout est curieusement identique) et je suis incapable d'y mettre les pieds. J'ai essayé pourtant, une fois. Une dame m'a presque forcé (physiquement) de jeter un coup d'œil à ses sarongs. J'ai été tellement traumatisée que j'ai fui comme une bête traquée. Je déteste, au plus haut point, au plus haut des plus hauts points des choses que je déteste par dessus toutes, que l'on me force la main pour dépenser mon argent, déjà que je déteste dépenser mon argent, si en plus je sens les yeux fébriles, la main tremblante, la présence insistante et les arguments complétement hors de propos du vendeur sur mon dos, c'est simple, je fuis. 

Je veux une boutique pleine d'acheteurs, où le vendeur ne te calcule même pas, je veux pouvoir réfléchir trois heures sur un produit, le prendre, le poser, en prendre un autre, faire un tour, revenir, le regarder encore, refaire un tour, réfléchir encore, hésiter, m'imaginer avec, surtout sans PERSONNE qui m'observe faire mon manège, et finalement, après trois jours et demi de réflexion, allez, je le prend, et aller tout fièrement à la caisse comme si j'avais accompli un acte de bravoure sous l'oeil complétement désintéressé de la vendeuse qui se contente juste d'encaisser ce vulgaire bout de papier que je lui tend (ou qu'elle me dise juste au mieux: « ah, bon choix ») 
VOILA, comme le commerce doit être pour moi. Ici j'ai l'impression d'être une proie. Pour tout. Et c'est vrai que je regarde les « autres » touristes, ils ont l'air plutôt à l'aise avec ce principe, je me sens complétement décalée. 
En plus il faut marchander. Marchander! Comment je peux avoir le pouvoir de décerner une valeur à quelque chose? C'est aussi aberrant que les compagnies de téléphonie mobile qui t'offre un téléphone avec tel forfait, alors que tout seul il vaut un bras. Ou est la valeur du produit? Ici ce concept est amplifié, rien n'a de valeur, seulement la valeur que le vendeur lui donne selon la gueule de l'acheteur et le fric qu'il pense lui soutirer, et celle que l'acheteur est prête à mettre selon sa classification personnelle et l'argent qui lui reste. Ils vendent des tableaux (« faits à la main ») comme on vend un kilo de courgettes (« allez allez si tu m'en prend trois j't'en fais un bon prix! »)

J'ai essayé de voir ça comme un jeu, comme un moyen « d'acquérir » moins cher, mais non, je ne m'y fais pas, devant cette dégoulinade de produits tous pareils et sans valeur précise, je n'arrive pas à accrocher, je n'arrive pas à vouloir, donc je n'arrive pas à entrer dans le jeu.

Des boutiques dans une ruelle perdue
Ce qui me consterne aussi, c'est que les humains sont vus de la même façon. Je suis une touriste parmi les autres, ils sont des vendeurs parmi les autres. Il y a un fossé énorme entre les balinais et moi, que je suis incapable de combler. Je les vois, souriants, rigolant entre eux, préparant leurs offrandes, j'aimerais tout savoir de la façon dont ils vivent, de leurs dieux, de leurs traditions, de leur monde, mais si je leur souris, si je leur parle, ils ne m'offrent que le visage qu'ils offrent à tous les touristes. 

Le deuxième jour que j'étais à Ubud, je suis allée me balader un peu en dehors de la ville. Je suis tombée sur une rizière, une petite, que j'ai voulu aller voir de plus prés. Tout de suite un type est venu. Alors je lui ai demandé la permission de prendre des photos (je ne suis même pas sûre que la rizière était à lui finalement) mais il m'a dit « ah mais non, si tu veux voir des rizières, il y en a des mieux plus loin » et bien sûr: « je peux t'emmener en scooter! » et puis: « pour 10000 rupiahs! » bon. Comme je voulais quand même découvrir ça, et que allez, pour une fois... j'ai accepté (pour 7000 rupiahs, forcément obligée de marchander, et ça valait surement bien moins)

Alors oui j'ai vu des rizières, oui la balade en scooter c'était marrant, oui il m'a amené sur une route qui m'a mené vers une chouette balade, mais après il ne voulait plus me lâcher, comme s'il tenait « un filon », il voulait m'emmener voir ça, et ci, venir me chercher à mon hôtel, et j'avais juste à payer l'essence, mais plus il était insistant, plus il me mettait mal à l'aise, et j'ai fini par tout refuser. Je n'aime pas que l'on me force la main, c'est tout. Et Bali, pour un endroit dédié à la détente et au bien-être, et assez fort là-dedans je trouve...

Mon chauffeur de scooter
Tout le monde vend Bali comme un paradis, et je suis en train de me plaindre... J'espère juste que ce n'est pas comme ça au paradis (« Yes! Redemption! Yes! Des nouvelles plumes pour vos ailes! »)

Bon je me suis quand même baladée dans la campagne d'Ubud, j'ai mangé dans un restaurant charmant composé de petites huttes de bambou au milieu d'un bassin de nénuphars, avec vue sur les rizières;

Le resto
Moi dans ma hutte...
Les rizières
Les scooters servent à tout, même a transporter du riz
Bon bah... moi quoi
Jolie balade entre deux vallées
J'ai visité les temples de la ville;

Le temple royal
Le Pura Taman Saraswati
J'ai assisté à un de leurs spectacles de danse traditionnelle, une histoire de princesse qui se fait enlever par un super-vilain, et sauver par ses frères à l'aide de deux potes à eux (un oiseau et un singe). Dans ces spectacles, les hommes jouent de la musique (à l'aide d'instruments totalement inconnus, des espèces de xylophones plus stridents, des sons très métalliques), et les femmes dansent, une danse qui ressemblent à du théâtre surjoué, avec pleins de tensions du corps, surtout (c'est le plus surprenant) des doigts. Ce qui m'a le plus plu, c'est les expressions de leurs visages, rien qu'avec le regard elles expriment la colère ou la peur, l'allégresse ou l'envie.

Les deux frères (joués par des femmes, bah oui), la princesse et le méchant au fond.

J'ai visité la célèèèbre forêt des singes, forêt tropical en plein coeur de la ville, où s'ébattent joyeusement touristes japonais et macaques, qui m'ont fait rire au début, avant que l'un d'entre eux me vole violemment ma bouteille d'eau, et qu'un autre me morde sauvagement à l'épaule (je ne parle bien sûr pas des touristes japonais) 

Être ou ne pas être un macaque, telle est la question.
L'enfoiré qui m'a mordu l'épaule, avant qu'il ne le fasse.

En observant les bestiaux, j'ai été fascinée à quel point... ils nous ressemblent, avec leurs petites mains et leurs airs de vieux sages, et leur façon de vouloir à tout prix tirer profit du touriste qui passe... ça m'a un peu désolée d'ailleurs.

Cherche moi les poux...
Leçon de décortiquage de noix de coco (j'en connais qui se débrouillent aussi bien)

Il y avait tout un décor dans cette forêt, assez bien réussi dans le style « Indiana Jones », et une fontaine pour faire un voeu à Ganesha. Ah, les lieux religieux... Il y en a un paquet ici comme je le disais, les balinais sont extrêmement croyants, une religion principalement hindouiste avec des arrières gouts de bouddhisme. Tout cela est bien beau, mais encore une fois... Je les trouve vides moi ces lieux remplis de touristes en train de se photographier à jeter la pièce dans le bassin, ou devant les autels des temples. Et même moi à travers l'écran de mon appareil photo, je ne capte rien de sacré (à mon avis, le sacré est bien la seule chose totalement incompatible avec la photographie, en tout cas de cette manière) C'est un comble quand même, sur « l'Île des Dieux », de ne pas ressentir leur présence...

Indiana Jones, c'est moi
Un arbre à lianes, splendide
La fontaine à Ganesha
Il y a les processions quand même, qui font l'effet d'un tourbillon, qui fige la ville et le temps. J'en ai vu qu'une seule, et c'est vrai, ça m'a scotché. Elles débarquent d'un coup, sans prévenir, sorte de manifestation rassemblant une bonne centaine de personnes (bien plus même) tous en blanc et habits traditionnels, portant des drapeaux, des ombrelles, des offrandes, des sortes de statues d'éléphants richement décorées, des dragons, des personnages, il y a de la musique, et tout le monde défile, les vieux, les enfants, les hommes et les femmes, tout sourires et très beaux, et aussi vite qu'ils ont débarqués, ils tournent dans une ruelle, et le balai des scooters et des taxi reprend comme s'il ne s'était rien passé. Je ne sais pas le pourquoi de ces processions, mais ça, ça a une sacrée gueule.

Appareil photo merdique...
Et puis je me suis payé un tour, quand même. Parce que j'en avais marre de tourner en rond à ne pas savoir comment voir au-delà de la ville, et que « l'office du tourisme » (je suis obligée de le mettre entre guillemets...) propose des tours pas trop chers.
Nous étions trois, deux françaises (bah oui), une mère et sa fille, escortées par notre guide, Agun. Bon bien sûr, il nous a emmené dans des tas de boutiques « au passage », bien sûr on a déboursé toute la journée, bien sûr il y avait sans cesse, partout, des boutiques de souvenirs, des enfants implorant vendant des cartes postales, et bien sûr le midi on a mangé dans un resto exprès pour touristes avec un seul choix: le buffet.
Mais j'ai pu visiter "la cave de l'éléphant" (un temple):

Avec des moines bouddhistes en visite

Une source d'eau chaude sacrée:

L'endroit de la source

J'avoue celle la je l'aime bien dans le genre "capter le sacré"...
Des communiants

Une plantation de café et d'épices (enfin une plantation... un truc pour touristes quoi)

Graines de café
Le vieux qui fait semblant pour plaire aux touristes (soupir...)

J'ai admiré le volcan Batur et son lac (à la base je voulais faire la rando pour y admirer le lever du soleil... mais il faut être au moins 2... Grrr)

On peut voir des coulees de lave sur la gauche, datant de 1963.

J'ai visité le temple de Besakih, le plus grand de Bali (ambiance « Sacré coeur » un peu, là les vendeurs de souvenirs s'en donnent à coeur joie, mais en haut c'est quand même joli, et presque émouvant) 

Il y a tout un tas de minis temples, en etages.
Depuis tout en haut
Une ceremonie.

Dans le dernier temple, des decors magnifiques.
Le temple est a flanc de montagne.

Et la route était sympa, notre guide sympa, mes collègues de tour sympas. Pour une fois que je ne disais pas que « no, thanks » dans la journée!

Sur la route, des marchands de fruits.
Un petit mot sur mon logement ici. Je suis dans un homestay, c'est à dire que ce n'est pas vraiment un hotel, plutôt une famille qui a construit des bungalows pour les louer. Ma chambre est très modeste, la porte ferme avec un cadenas, je dois cogner sur l'interrupteur pour allumer la lumière de la salle de bain, la douche est... gelée, et très faiblarde.

L'entree du homestay
Cependant, je suis entourée d'une superbe végétation tropicale, je prend mon petit déjeuner fait-maison sur ma terrasse (pancake à la banane, salade de fruits, thé ou café), il y a des offrandes devant ma porte le matin et un panneau me souhaite la bienvenue en indonésien au dessus de la porte.

Ma terrasse
Juste devant ma chambre
Il y a des familles qui vivent là, j'entends la maman chanter des berceuses à son bébé (j'entends aussi le gosse chialer à 7h du mat), je les vois faire du bricolage, confectionner les paniers des offrandes, rire le soir sur leur perron... Bien sûr j'ai envie de les rejoindre, mais quoi... Je me vois très mal m'incruster dans leur vie comme ça, et je ne sens pas qu'ils en ai particulièrement envie...

*Edit du 28 Novembre*
J'ai ecrit cet article il y a deux jours, je suis desolée de son ton quelque peu depressif. Depuis ca va mieux, d'une part parce que je me prend moins la tete sur le pourquoi du comment de mon voyage, que je laisse couler, et d'autre part parce que depuis dimanche, dans ma homestay, c'est grosse preparation d'un mariage qui va avoir lieu mercredi! Alors bien sur je ne suis encore qu'une spectatrice timide, mais rien que les rires joyeux, dés le matin, des femmes qui confectionnent les decors, le "tchac-tchac" des couteaux des hommes preparant les plats, l'agitation un peu partout, et la fierté que j'ai ressenti, quand je suis sortie tout a l'heure par l'entrée deja bien decorée, sous les yeux des touristes attablés au resto d'en face, rien que ca, ca me redonne le sourire. C'est peu de choses, mais c'est deja enorme en comparaison a tout ce que j'ai vecu ici depuis mon arrivée.

"Shanti"

Commentaires

  1. et vas y tu vas choper une maladie des singes si il t'as mordue !!
    bon sinon normal pour le coté touriste , c'est dure de se démarquer aprés si tu quitte les endroits touristique ca peut peut etre s'arranger !
    en tout cas c'est vraiment canon !

    RépondreSupprimer
  2. mais oui, Bali, c'est une dstination de rêve pour touristes friqués, je te souhaite de trouver ce que tu cherche !

    RépondreSupprimer
  3. les touristes représentent tellement pour la survie de ses gens que forcement tu es considérer comme un tiroir caisse. LE rapport marchand est battit sur l'incompréhension.Mais profite de ce que tu vois ! bon courage et gros zibou. V.T

    RépondreSupprimer
  4. Salut c'est Gwennenn!
    J'espere que tu va pouvoir sortir un peu des sentiers battus maintenant que l'Antony est a tes cotes car je t'assure qu'il y a des endroits tranquilles ou il n'y a pas un seul touriste en vue et ou les balinais on le temps de te percevoir autrement que comme un dollars sur pattes!
    Enfin je te laisse decouvrir ca, et hesite pas a faire un tour sur les autres iles du genre Lombok etc...ou le touriste se fais un peu plus rare...
    Te serais-t-il possible de me donner le mail d'Antony car on arrive pas a le joindre ( normal si il est a Bali tu me diras..!), car on voulais avoir confirmation qu'il a bien recu le premier virement afin qu'on fasse le second! ( voici le mien : gwennenn@gmail.com )
    Merci, profitez bien des beautes que cette ile peu offrir et en ce qui concerne les scooters lances-toi, tu verra c'est vraiment pas si complique voir meme c'est bien marrant!
    Tchuss

    RépondreSupprimer
  5. je te souhaite un joyeux noël Roxane et continue de nous faire rêver avec ce don de plume qui nous entraine a chaque fois dans ton univers!
    bisous
    Mélina

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Partie 3: où l'on est entré dans la carte postale

Des mouettes et des japs

Entre montagnes et océan