La rose et l'agneau

27 janvier 2011
En direct d'une étouffante nuit australienne, sous les crocs des moustiques et le bourdonnement mélancolico-enfievré de System of a down dans la pièce d'à coté. Au loin les voix des garçons certainement en train de philosopher sur les femmes et leur complexité, aussi sérieux que le ciel étoilé au-dessus d'eux. 
Encore plus loin la nuit noire, les perroquets et les animaux de la nuit, les moutons roupillant dans leur pré et les renards se pourléchant les babines, les monstres et les esprits, les déserts et les rocs, l'océan, l'Australie.

Après presque deux semaines chez Michele et Phil, nous nous apprêtons à reprendre nos clics et nos clacs et à changer de maison pour celle de producteurs d'olives et d'ail pour quelques jours, puis des cultivateurs de fruits (une famille, des blonds, avec des enfants). Tout ceci toujours dans la région, dans l'idée d'attendre une réponse aux multiples CV que nous avons déposé, attendre d'obtenir un job, attendre les vendanges et leur lot prometteur de terrifiantes conditions de travail... (travail de nuit, pendant 12h, travail rapide, dur, physique, travail sous 40°, stress, araignées, serpents... mais bon argent)

Visite d'une cave pendant notre tour "dépose CV" des vignobles

Ici la vie suit son cours. La relation avec nos hôtes est assez étrange: n'étant pas hôtes de wwoofing ils n'ont pas l'habitude d'avoir du monde chez eux comme ça. Nous devons nous adapter les uns aux autres, et nous nous retrouvons un peu malgré nous au milieu de leurs problèmes de jeune couple. Nous tentons de ne pas déranger et de juste faire notre boulot, mais leur vie est différente du fait que nous sommes là. Phil trouve en Julien un complice d'activités et de discussions « viriles » (boire du whisky coke et écouter du rock d'ado en crise à fond par exemple, et parler des femmes encore et encore, faire du tracteur ou parler de moto)(et il connait le Patator = "potatoes gun" Comme quoi c'est international!) 
Dés le premier jour il lui a confié beaucoup de choses personnelles, alors que Michele me parlait juste des cadeaux qu'elle avait eu à son mariage, de ses ongles ou de ses plants de tomates... Et je pense qu'elle est agacée par cette complicité entre les deux mecs, cette perturbation dans leur équilibre. 
Moi au milieu de ça je reste assez neutre (la Suisse c'est moi!) je me rend compte que je suis quand même capable de beaucoup de diplomatie, je sens quand ça ne sert à rien d'aborder des sujets trop délicats, de trop affirmer ses opinions (et puis il faut le dire aussi, en anglais c'est plus dur de trouver ses arguments, donc je préfère me taire, et passer mes nerfs sur Julien hihi)

Julien après avoir appris à faire du tracteur, en mode "un rêve de gosse qui se réalise"
Nous bossons beaucoup, et autant par moments ils sont ravis de notre travail, autant le lendemain Michele peut se montrer plus que pointilleuse sur un détail mal fait selon elle. 
Ajouté à ça que nous sommes un peu des boulets (j'ai déchargé la batterie de la voiture en oubliant de fermer la porte après l'avoir lavé, Julien a bouffé la moitié de la connexion internet en allant sur Youtube, etc...) je pense que la séparation va faire du bien à eux comme à nous.

Cependant on est quand même très bien traités, on mange bien, on boit bien, ils nous ont même emmenés à la plage dimanche dernier. Une plage immense près de Kadina, où ils viennent sur le sable directement en 4x4 (ils sont fous ces australiens) où il y avait un vent à décorner un mouton mais où c'est la première fois que je peux rentrer direct dans un océan tellement l'eau était CHAUDE. On a bien rigolé dans les minis vagues, à se faire peur (parait qu'il y a un requin qui rode dans le coin) à se couler (l'activité favorite de Julien) à jouer à la baballe et à faire ce qu'on sait le mieux faire: les gros gosses. Et bien sûr sans oublier le fish&ships pour le lunch, et les bières!

Ned dans le jardin. Ce chien a un gros problème, il se trimballe sans cesse avec sa balle et nous la dépose aux pieds (même quand on bosse) pour qu'on joue, et reste trois plombes à scotcher dessus. On pense l'inscrire aux "boulophiles anonymes"

Et preuve qu'ils nous apprécient quand même, ils nous on proposé de revenir une semaine à partir du 15 février, pour garder leur maison pendant qu'ils partent en vacances. Nous aurons juste à arroser le jardin, nourrir le chien, et nous aurons notre propre ferme en plein coeur de l'Australie! Enjoy.

A part ça, petit paragraphe sur les différents jobs effectués cette semaine:

_Weeding, encore et toujours. Le pire job de tout wwoofer, de tout jardinier. Arracher sous un soleil de plomb ces connasses de saloperies de merde de sales plantes, qui ont le don pour avoir différents attributs qui piquent, grattent, griffent, s'accrochent dans les chaussettes, rentrent dans la peau à travers les gants, restent indéfiniment incrustés dans les fibres des vêtements même après lavage. Et en plus les saletés elles se cramponnent bien au sol, elles ont des racines pires que des crochets de boucher, et bien souvent ils nous faut abandonner la bataille et juste leur couper la tête (ce qui est inutile, dans deux semaines une nouvelle tête repoussera) Certaines ont même la technique pour éviter la tondeuse, en poussant au ras du sol et en s'étalant à l'horizontale, et perfides elles s'installent bien là où c'est le plus chiant à aller les chercher, elles se camouflent au milieu des rosiers pour qu'on s'écorche de partout en jurant dans toutes les langues.

Du coup quand j'ai eu l'opportunité de conduire le quad-tondeuse (je ne sais pas le nom en français) je m'en suis donné à coeur joie. « Aaah sus aux mauvaises herbes! Tremblez devant mon terrible broyeur qui va vous réduire en miettes vertes, vous faites moins les malines avec vos pauvres petites épines de mes 2! » Petit instant de folie meurtrière que j'ai ressenti sur cet engin, ça fait du bien (j'en veux un pour Noël!)

Le paysage... Plus aride tu meurs. (et le pire c'est qu'il y a plus aride...)

_Mettre du foin autour des fleurs, tailler les roses. Alors là c'est la journée qu'on a le mieux réussie, ils étaient tout heureux de notre boulot. En plus je me suis sentie à l'aise à faire ces deux boulots où l'intérêt n'était pas de faire preuve de puissance mais plutôt de délicatesse, je dirais presque d'esprit artistique. Du coup Julien était moins dans son assiette, mais on se complétait bien: il m'amenait les paquets de paille avec la brouette, je la disposait en une belle ligne épaisse et homogène autour des plantes. Je coupais les paquets de roses fanées, il coupait les neuves, euh, il arrachait les mauvaises herbes (encore là ces salopes) Et on écoutait de la musique, et on discutait, du coup on a eu beau travailler toute la journée, ce ne fut pas trop désagréable.
Par contre les roses, qu'est-ce que c'est naze comme plante à entretenir! On leur coupe les branches mortes, on leur met de l'engrais, on les arrose, on entoure leur petit pied de paille pour rester au frais, et ces connasses te tailladent la peau de leur épines acérées à la première occasion (oui je sais je traite toutes les plantes de connasses) Bref le prochain mec qui m'offre des roses, je lui balance dans la gueule en lui écrasant bien les épines dans les yeux.

Les rosiers (connasses)

_Laver les voitures, laver les vitres, balayer le garage. Aussi chiant que ça peut paraître. Laver une voiture ici ne sert à rien (surtout quand elle est noire comme la leur) vu que la poussière rouge provenant de cette terre aride se dépose partout et rend tout dégueulasse (c'est pareil pour les vitres) Au moins pour les vitres on a trouvé une technique spéciale héritée de la mère de Julien, économique et efficace (5€ et je vous la dit!)

_Arroser le jardin. Le premier boulot de la journée. Et je ne sais pas pourquoi on finit toujours trempés. (surtout moi mais je me suis quand même venger d'abord heu)

_Pas beaucoup de boulot avec les moutons cette semaine, mais nous avons quand même eu l'immense plaisir (surtout pour moi) de castrer des petits agneaux, au moyen d'un élastique que l'on accroche autour de leurs testicules avec une pince. L'élastique va serrer et empêcher le sang de venir, les testicules vont donc sécher et mourir, et tomber toutes seules. Magique hein! (les gars, méfiez vous d'une fille qui a des élastiques sur sa table de nuit) Dans le même genre sadique, nous leur avons accroché leur « boucle d'oreille » cric! Nous avons aussi aidé à l'embarquement des « lambs » pour l'abattoir, et Julien et moi en les faisant monter dans le camion on leur disait des trucs dégueulasses sur ce qui les attendait (gnignigni)

Mais ça c'était avant. 
Avant que notre regard ne croise celui de Rick, mouton-pet de son état, c'est à dire que parce qu'il a plus ou moins été élevé par Michele et Phil, il n'est pas effrayé par les humains, et il aura la chance de ne pas se faire zigouiller pour la boucherie comme tous les autres.
Rick, qui arrive quand on l'appelle, en faisant des sauts de cabri. Rick, le premier mouton que je vois qui a l'air INTELLIGENT. J'ai même presque l'impression qu'il comprend quand on lui parle (j'ai fait le test: « bouge la tête si tu me comprend » et bah... il a bougé la tête) il nous regarde de ses grands yeux noirs et graves, il nous renifle partout, il tend ses longues oreilles quand on parle, il pose sa tête sur nous, il savoure nos caresses (Julien est un super masseur de moutons), il nous suit quand on s'en va, et il fait sa loi aux autres qui nous approchent trop. Parce qu'ils sont plusieurs moutons-pets, mais Rick is the best. On en est tombés amoureux, on a envie de l'emmener avec nous (mais bon ça risque d'être galère dans la voiture)

Love Ricki chou
Quelle ressemblance!

Niveau autres anecdotes, il y a celle du fantôme au talkie walkie. Une nuit, vers 3h du mat, Julien et moi fûmes réveillés par une voix comme dans une radio. Bon. On va pisser, boire, et on se recouche. Et la voix recommence. Et là Julien a le malheur de dire: « c'est peut-être un fantôme » NE JAMAIS DIRE CA A 3H DU MAT. Ensuite on était tout nerveux, on entendait la maison qui craquait de partout, des pas au dehors, Julien jura qu'il avait vu une ombre passer dans la chambre. Je flippais grave sa mère, Julien jouait un peu à me faire peur (« y'a quelque chose qui joue pas là! »), sauf quand d'un coup une couverture est tombée du lit, il l'a senti le frisson glacé lui parcourir l'échine...! 
Au final il n'y a même pas d'explications. Il y a bien une radio dans la cuisine, Phil nous a dit qu'elle servait pour communiquer entre les différents véhicules de la ferme. Sauf que qui pouvait bien discuter à 3h du mat...?

Il y a deux jours, c'était l'Australian Day, la fête nationale quoi. N'allez pas imaginer bal des pompiers et feux d'artifice, ici c'est juste de la picole et de la bouffe (avec les australiens on va à l'essentiel)
Comme dit Julien, nous sommes chez des gens très « conservatifs » (on se moque pas c'est les suisses ils parlent pas comme nous) du coup l'Australian Day a commencé avec la radio à fond sur de la musique australienne, Michele qui nous souhaite un happy australian day (et moi qui commence à parler du 14 juillet, sale française!), le breakfast, la casquette avec le drapeau... Ils se sont ensuite rendus à leur bar fétiche à Sevenhill (où on a rencontré Michele) pour un big lunch bien australien (c'est à dire du... mouton. Des saucisses... de mouton. Et du poisson) et de la bière bien sûr, et du vin de Clare Valley. 
Nous nous avons préféré finir notre taf et nous faire des sandwichs au jambon (boouh). Puis nous les avons rejoints (ils étaient déjà tous pétés) il y avait des drapeaux aussie partout, Julien s'est fait agressé par un vieux patriotique (pardon: conservatif) parce qu'il lui avait demandé si il aimait son drapeau (malheur!), nous avons discuté en français avec un aussie vivant 7 mois par an dans le sud de la France et dont la copine s'appelle Roxane. Nous avons bu des « Pure Blonde », un peu trop, j'avais la casquette plombée le lendemain (mais bon c'est ça l'Australie! Ils roulent bourrés, ils bossent bourrés...) Nous avons encore bouffé du mouton (sachant que Julien et moi n'aimons pas le mouton, on est servis) 
Un bon Australian Day bien loin des défilés et concerts de Sydney je pense, un bon Australian Day bien rural, façon fête de la vannerie de Villaines les Rochers avec Jean-Jacques qui chante bourré sur la table, un Australian Day comme peu de backpackers en vivent je pense...

Un autre paysage (depuis la ferme)
Je clos là cet article (il y a toujours plus à dire mais si je racontait tout j'en aurais pour la nuit et mon article ferait douze pages) et je vais aider Julien qui prépare son tiramisu spécial qui plait même aux gens qui n'aiment pas le tiramisu (je vais lécher la cuillère quoi)

Et comme dit Spoke: « c'est comme les petites étoiles que tu vois souvent au bout du ciel » (je me devais de l'inscrire noir sur blanc celle là!)

A bientôt pour de nouvelles aventures.

Commentaires

  1. depuis quand tu cite spoke toi ???
    bon bah cool cet article , c'est beau l'australie !!
    et trop marrant le t shirt de julien avec le drapeau de la suisse !! j'ai ri !
    c'est trop le kiffe de lire tes aventures, j'espere que ca continueras a etre sympa comme ca avec les autres gens.
    mais quand meme en lisant je t'imagine rouge a cause du soleil , le visage plein de poussiere rouge et la peau creuvassé par l'alcool , ca me fait peur!^^
    allé bisous mon beurthon

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  2. Alors ! ... pour ce qui est du quad-tondeuse, içi on dit un tracteur ou tout simplement la tondeuse ^^! eh ben! t'en aura pas pour Noël ...
    le coup du fantôme ? c'est pas les effet du Clare Valley ? méfie toi du vin Austalien, chez nous il a mauvaise réputation ... (... et des petits suisses qui te font le coup de la panne !)hihi!
    pour le netoyage des vitres, je veux bien la réponse, mais trop chère copain! je négocie...
    bisoux

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  3. toujours aussi pittoresque les descriptions de l'australie et de ses habitants ! quand a rick,selon la théorie de la réincarnation, ce doit être un humain qui n'a pas eu son bon karma. BON COURAGE POUR LA SUITE et gros bisous
    vieux tressage ( le retour!)

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