Yan Yan Gurt West

Me voila dans mon second wwoofing, depuis dimanche. Et ca y est, je savais bien que ca arriverait un jour, pas de wifi. Je profite aujourd'hui de quelques heures de repos pour squatter l'ordinateur familial (avec une saloperie de clavier qwerty! Vous excuserez les accents manquants) et publier pour vous un bon gros resume de ma vie ici depuis trois jours.



La ferme-ma chambre

Changement d'ambiance pour mon second wwoofing, plus « rustique », plus dépaysant certainement, et en même temps des gens pour l'instant très gentils. 
Me voilà au milieu des « Otway Ranges », région superbement valonnée, que j'avais entre-aperçu lors de mon périple sur la Great Ocean Road,  région qui semble seulement peuplée de moutons et de vaches et de quelques fermes au milieu de tout ça. D'immenses champs verts et jaunes parsemés d'eucalyptus, de « gum trees » et de conifères, un paysage qui me plait bien, d'immenses troncs d'arbres morts se découpant sur un ciel sans cesse changeant.

Petite vision du domaine (mais la c'est moche)
Je suis donc au beau milieu de nulle part. 
Ma « chambre » est aménagée sur la mezzanine du « shed » (la grange) Drôle de lieu pour une chambre, j'ai un peu tiqué lorsque l'on me l'a présenté, à 50 mètres de la maison familiale. 

Vue de mon shed (sur la gauche, un bout de la maison)
Mais au final, de me retrouver la la nuit tombee, avec pour seule compagnie surement quelques araignées (dont je ne préfère même pas imaginer l'existence, quand je vois celle que j'ai retrouvé morte en branchant ma lampe de chevet), et les bruits de la nuit alentour, je me dis que c'est ça l'aventure, c'est ça ce que je voulais vivre, juste moi et ma solitude au milieu de l'Australie profonde (sans Internet ni réseau de téléphone, va falloir que je m'y fasse...)

L'interieur du shed, la mezzanine c'est ma chambre!
Ma chambre!
Ma premiere grosse angoisse a ete le froid quand meme (oui en ce moment on rivalise presque avec l'Europe...)
Mais heureusement ma nouvelle « famille » n'est pas non plus du genre à laisser une pauvre âme dormir seule dans le froid, et j'ai à ma disposition plusieurs couvertures, un truc chauffant sous mon lit, et surtout un petit radiateur électrique dont j'écoute le soir le souffle chaudement bienfaiteur à un mètre de moi.


La famille

Les Stewart -4eme et 5eme generation a Yan Yan Gurt West- sont composes d'Andrew le pere, Jill la mere (dans les 50 ans) et de leurs trois filles de 17 a 21 ans.
La mere d'Andrew, 87 ans, vit sur la propriete, je suis allee dimanche avec lui pour lui apporter son sapin de Noel qu'Andrew venait de couper. Dans sa maison il y a plein de photos noir et blanc de son defunt mari, jeune, vieux, de toute la famille, des photos des enfants devenus grands, des photos de la propriete et de la region autrefois avec des gens aux allures de cow-boys posant devant des attelages. J'ai ete impressionnee.


De ma vision des choses, cette famille fait vraiment fratrie, tribue, la famille qui a une Histoire et un patrimoine. On sent une force, une fierte qui les lit. 
Les trois filles m'impressionent un peu, elles sont belles et chacune avec une personnalite bien marquee (de mon impression)
J'ai un peu de mal a trouver ma place au milieu de tout ca, j'ai souvent l'impression d'etre spectatrice, vu qu'en plus je ne comprend rien a ce qu'ils racontent tous (ils ont un accent tres marque ici, et ils parlent vite)
Hier, avec la fatigue, j'en avais la gorge nouee, en pensant a ma propre famille, aux diners animes de quand j'etais petite (et on recevait des etudiants etrangers en plus... Les pauvres! Maintenant c'est moi qui suis de l'autre cote)

Dans la maison
Pour Noel ils organisent un gros repas avec toute la famille (20 personnes), tous le monde va faire la cuisine, je vais peut-etre essayer de faire une buche de Noel, si je trouve une recette pas trop compliquee, car ils ne connaissent pas ici. Meme si etre loin de ma famille me fait un peu bizarre (surtout face a une famille comme ca) je pense que je vais l'avoir mon vrai Noel australien... (pourvu qu'il fasse beau pour le barbecue!)


Le travail: "les moutons c'est fastidieux!"

La phrase que j'ai le plus en tete en ce moment! (les admirateurs d'Alexandre Astier comprendront) Et ca pour etre fastidieux c'est fastidieux... Pis c'est con un mouton, ralala! C'est bête, c'est moche et ridicule, au même niveau que les poules, tiens. Au moins aucun sentimentalisme avec les moutons, je dirais meme que je prend un malin plaisir a les effrayer et a les dominer.

J'ai pour l'instant assister/participer a plusieurs taches: 
 

_Changer les moutons de champ. 
Le premier truc auquel j'ai assiste, dimanche matin. 
Jill m'a emmené en pick-up avec Spike et Scout, deux des quatre chiens de bergers. Et c'est super impressionant de voir ces chiens qui obéissent au doigt et à l'oeil à leur maitre(sse), qui ont l'air de mieux comprendre l'anglais que moi, des chiens qui connaissent parfaitement leur boulot et te bougent un troupeau de moutons en un rien de temps.
Nous, nous nous contentions de jouer au berger en aidant les chiens a maintenir le troupeau à grands coups de «hou hou hou! » et en courant dans tous les sens. 

Vue du pick-up
Et à marcher dérrière les moutons je me suis mise à penser à toutes ces expressions en rapport avec les moutons, qui sont supers exactes en fait. « Etre un mouton » « suivre le troupeau » « se faire bouffer la laine sur le dos » (je sais plus si elle existe celle là ou si c'est encore une invention Eveillard) 
Devant ce troupeau bêlant j'ai eu vraiment l'impression de voir une métaphore de la société. Ces moutons idiots qui suivent tous le même chemin, et pourquoi? Parce qu'on le leur impose, en leur faisant peur un coup à gauche, un coup à droite... Ils croient fuir, ils croient choisir, mais au final on fait d'eux ce que l'on veut... 
Certains essayent de résister, de contourner, de faire face aux chiens, mais ce n'est que fanfaronnade, c'est inutile, juste bon à se prendre un coup de croc dans le nez avant de rentrer bien gentillement dans le troupeau. Le pire c'est que tous ces moutons, si d'un coup tous ensemble ils décidaient de foncer sur les chiens, têtes baissées et sabots devant, sans faiblir, compact, ou au contraire de tous s'éparpiller en même temps, de tous les cotés, et recommencer encore et encore, jusqu'à épuiser les chiens et leur faire perdre tout contrôle, le pouvoir changerait de camp c'est sûr... 
Mais non ils sont tous là à bêler (et on dirait qu'ils râlent « Maaais! Maaaais! » ils sont mécontents de leur sort mais ils avancent quand même, tous les uns à la suite des autres) et à galérer avec leur épaisse toison de laine (franchement ça a l'air pénible à porter) avant qu'on les tonde jusqu'au dernier poil et qu'ils soient tous nus et encore plus ridicules.
Bref je philosophais à mort dans mon for intérieur, et ça me plaisait d'être du bon coté (pour une fois?) de faire la loi à ce troupeau imbécile. 

_"Soigner moutons malades" (Andrew s'évertue à me parler français, avec juste trois mots de vocabulaire) 
Dimanche apres-midi, avec Andrew, nous avons fait des tours et des détours dans les champs de moutons en pick-up, à les regarder détaller devant nous comme... des moutons. 
Je n'ai pas bien compris le sens de tout ça, jusqu'à ce que d'un coup Andrew s'arrête, détache Spike (le meilleur des chiens, mais je n'ai pas le droit de le toucher car il mord... brrrr!) qui s'élance comme un fou vers UN mouton, le choppe à la gorge et l'oblige à s'arrêter, véritable duel entre les deux animaux, mais le chien ne lache pas, même quand Andrew lui crie des ordres que moi je ne saisis pas... Andrew immobilise les pattes du mouton, sors un grand ciseau (mais que va-t'il lui faire?!) et commence à tailler dans la laine...   
Et là je comprend. Parfois, quand il fait trop humide d'après ce que j'ai compris, la laine « pourrit » et je vous assure que j'ai été estomacquée quand j'ai vu cette laine noire suintante, et... pleine d'asticots (Sandrine et Flora si vous me lisez, j'ai pensé à vous à ce moment là!). Mais quand je dis pleine, c'est pleine. Sous les coups de ciseaux d'Andrew, un grouillement immonde d'asticots faisait jour, et la peau du mouton complètement infectée en dessous. 
Quand on voit ça on se dit que c'est bien nécessaire de passer trois heures à tourner en pick-up dans les immenses champs d'Otway Ranges.

_Peser/trier les moutons.
Le plus gros boulot que j'ai eu a faire (parce que jusque la c'est de la rigolade), et c'est pour ca je le dis: les moutons c'est fastidieux (hier presque 9h de taf, ceux qui pensent encore que je suis en vacances ils peuvent aller se faire pendre!)
Une fois les moutons pres du shed, on leur fait suivre un cheminement dans des parcs de plus en plus réduits, jusqu'à ce que ça ne soit plus qu'un étroit couloir de barrières. Et c'est un sacre exercice de strategie pour bouger un troupeau effraye dans le bon sens, faire du bruit du bon cote, etc... On arrete pas de taper dans les mains, de "houhou"ter, de faire des grands gestes pour qu'ils nous fuient, et aillent ou l'on veut qu'ils aillent, et de pousser du cul de mouton toute la journee quand ils arrivent devant la balance et qu'ils decident d'un coup qu'ils preferent rebrousser chemin.
Au debut c'est super drole, mais apres 6h comme ca j'avais juste en tete "les moutons, c'est fastidieux! Ah mais je peux plus les voir!" avec l'accent de Guethenoc. Et bah c'est vrai. Surtout qu'hier il caillait a mort, j'ai bien cru qu'il allait neiger!
(A un moment j'avais aussi sans arret en tete "allo les moutons?" merci Vince!)

Mais bon l'un des grands plaisirs de ces boulots, c'est la compagnie des chiens. Moi qui craint et même qui n'aime pas trop ces bestioles, j'avoue la première fois que Jill a ouvert les cages et que les chiens ont bondis dans tous les sens, j'étais pas rassurée. 
Mais au moins avec ces chiens-là il n'y a pas d'ambiguité. Je me rend compte que je n'aime pas, quand je vais chez des gens qui ont un chien, que l'on me dise « ne t'en fais pas il ne mord pas! » comme si du coup j'étais obligée de lui faire cinquante mille papouilles, des gratouilles et me laisser léchouiller la gueule, sous prétexte que c'est le meilleur ami de l'homme. 
Ceux-là au moins, quand on te dit « attention il mord » bah tu sais à quoi t'attendre. Tu sais que c'est un carnivore, qui a gardé ses instincts (et ça le rend tellement interessant...) et qui ne se laisse pas papouiller comme ça. Et la relation qu'ils ont avec leur maitre (et Jill en particulier) est l'image la plus belle de cette idée de « meilleur ami de l'homme ». Ces chiens-là ne sont pas des peluches, pas des enfants, pas des objets de mode ou de déco. Ce sont juste (et c'est bien mieux) des chiens, sans lesquels l'Homme ne pourrait pas faire son travail. La relation entre eux est très forte. 
Pour illustrer, à un moment je suis restée seule avec Scout et Spike pendant que Jill manoeuvrait le pick-up, et bah les deux chiens n'étaient pas tranquilles (pourtant j'étais là en « gage » de non-abandon, mais ce n'était pas ça je pense) ils suivaient le pick-up des yeux, ils tournaient en rond, c'était trop touchant à voir.
Et du coup, quand vers la fin de cette "fastidieuse" journée d'hier, Scout venait d'elle-même vers moi et posait sa tête contre ma jambe pour que je la caresse, et surtout quand Spike, « celui qui mord », le meilleur et le plus instinctif, est venu se poster entre mes mollets et que j'ai pu oser poser ma main sur sa tete, bah je vous jure ça m'a vraiment fait chaud au coeur. Comme s'ils m'avaient accepté dans leur « équipe ».

Spike, qui s'exerce a faire le berger sur les poules
Scout (je vais commencer a aimer les chiens moi!) (au passage, remarquez mes supers boots de cow-boy, ils ont tous ca ici, j'adore)

Bon et je garde le meilleur pour la fin, parce que mon boulot aujourd'hui a juste ete genial:
_Bouger les moutons A CHEVAL.
A vrai dire je commencais a desesperer parce que, je n'avais pas bien compris pourquoi, le travail ne se faisait pas a cheval (peut-etre le temps)
Mais ce matin j'ai jubile interieurement quand j"ai vu Jill sortir les licols et les tapis de selle.
On a donc ete cherche deux des magnifiques Quarter Horse dans le pre, et j'ai eu le plaisir de retrouver des vieux gestes qui ne s'oublient pas je pense: brosser, seller et enfin monter une jolie jument blanche et brune (avec un oeil vairon, c'est a dire bleu) du nom de Chloe.
J'ai mis quelques minutes quand meme a retrouver mes reflexes, a me sentir a l'aise (ca faisait bien 5-6 ans que je n'etais pas monte!)

Et puis wouaaaah bonheur! Chevaucher dans ces immenses pres, avec le bruit du vent dans les arbres morts (franchement comme au debut du Bon la Brute et le Truand) et puis surtout au moment de rassembler le troupeau de moutons (toujours avec les chiens) manier son cheval pour aller un coup a droite, un coup a gauche, rattraper les moutons effrayes qui essayent de se faire la malle sur le cote, et toujours reflechir a ou aller pour les faire aller dans le bon sens. J'ai meme pu m'offrir le plaisir d'un ptit galop pour remettre le troupeau dans le droit chemin, j'avais limite envie que des moutons s'echappent encore pour leur courir apres (enfin c'est pas moi qui court mais vous voyez l'idee)
Et a cheval on a une superbe vision d'ensemble, et puis se sentir cow-boy, franchement pour moi c'est une des meilleurs sensations du monde (j'ai du etre cow-boy dans une autre vie)(ou alors je devrais peut-etre le devenir)


Jill et Andrew m'ont dit que je bossais bien, que je me debrouillais bien avec les moutons (d'un cote moi une fois que j'ai pige le truc apres c'est bon) et Jill m'a dit que j'avais une bonne position a cheval. Trop cooooool!
Par contre je suis super fatiguee, et j'ai mal partout. C'est la que je me rend compte comment on s'encrasse dans nos vies de citadins assis derriere des bureaux ou dans nos voitures... Brrr...

Desolee d'avoir encore ecrit un roman, je ne peux pas m'en empecher... (et encore j'ai reduit par rapport a ce que j'avais ecrit ces deux derniers jours)
Je prendrais d'autres photos dans les jours qui viennent je pense, ce n'est pas evident d'emmener mon appareil avec moi, mais bon j'y tiens a mes photos de moutons, ils sont tellement droles...! Et puis le shed (celui ou on bosse, pas celui ou je dors!) il est magnifique, enfin c'est ambiance western a fond, tout en bois avec des trucs accroches partout, et la laine entreposee, et ca pue la brebis, j'adore!

J'espere que vous allez bien! A la prochaine...

Commentaires

  1. putain ca gere gros ! trop fou la vie au far west ! c'est cool que tu puisse faire ce truc là que tu voulais tellement faire!
    et puis c'est fou qu'il faille que tu attende l'australie pour monter a cheval !
    ta "chambre" a l'air vraiment mignone, ca fait petit nid en bois ! j'adore !des gens payerais pour dormir là!
    j'espere que c'est pas trop fastidieux quand meme (hihi !)
    "Mais enfin, ça fait 15 lieues que vous nous pétez les noyaux avec vos bestioles : les moutons, les chèvres, les poules, vous croyez que ça nous intéresse ça ? (...) Oh la la, mais c'est pas vrai, les poules euh… c'est plus ce que c'était, les chèvres c'est pas rentable, maintenant les moutons c'est fastidieux ! Vous savez même pas ce que ça veut dire « fastidieux » !


    bisous

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  2. Eh ben génial !
    Ta litérature est exellente !
    tu as l'impression d'être dans un film, c'est le quotidien de cette famille, et tu vas le partage pendant quelques temps.
    Des moments très fort de la vie !
    une belle rencontre !
    Gros bisoux
    On attend les photos.

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  3. te voila dans un vrai film du sergio (léone). N'oublie pas , il faut toujours étre dos au soleil.j'aime bien ta description des moutons et la comparaison avec le genre humain.j'espere que tu vas passer un bon Noël au milieu des étendues sauvages. Profite de tout et engrange des souvenirs. pleins de bisous
    Pierre

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  4. Moi je les plains ces pauvres moutons entre les mains de gros gros cons et de ceux qui racontent des histoires débiles...

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